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lemotdupresident 3Le droit du travail a pour fonction première de rééquilibrer les relations entre les salariés et les détenteurs du pouvoir économique. Avant la construction sur deux siècles de la protection des salariés dans tous ses aspects (conditions de travail et donc santé, salaires, représentation auprès des employeurs, etc.), c’était le droit civil « pur » qui régissait le louage de services fondé sur la fiction d’une égalité des cocontractants et la réalité de l’asservissement de la partie qui ne disposait que de sa force de travail, à la partie qui disposait des moyens de production. L’inégalité économique annulant en quelque sorte de fait le progrès que constituait l’égalité juridique. Une primauté de « l’économique » sur « le juridique » qui, loin d’être inactuelle, est au contraire aujourd’hui affirmée par tout un courant de la pensée juridique d’origine anglo-saxonne (Law and économics), de plus en plus en vogue en Europe


 victor hugo

Tout le monde sait quelle misère a été engendrée par la « loi du plus fort ». Elle a été décrite par de grands témoins dont Victor Hugo qui après sa visite des taudis de Lille, exhortait le 9 juillet 1849 l’Assemblée nationale à « détruire la misère ». Si elle n’a jamais été éradiquée, il est néanmoins certain qu’une amélioration considérable de la condition ouvrière a été obtenue à la faveur, notamment, du développement d’un droit spécifique à la relation de travail ; sur le plan individuel mais surtout sur le plan collectif, puisque c’est sur ce plan et sur ce plan seulement, que l’indispensable rééquilibrage des forces peut être obtenu. Les syndicats et les représentants du personnel ont été naturellement les chevilles ouvrières d’un progrès dont on croyait qu’il devait se poursuivre jusqu’à ce qu’un point optimum d’équilibre — de justice — soit atteint.  

Malheureusement, force est de constater que le droit du travail protecteur a été considéré par les dirigeants politiques qui se sont succédés depuis quelques décennies à la tête de l’État — tous peu ou prou acquis ou soumis à l’idéologie économique dominante—, comme un frein à l’emploi ; bien qu’il n’existe aucune preuve empirique sérieuse d’un lien de causalité entre baisse de la protection sociale et baisse du chômage. Des dirigeants qui, adoptant de fait le mantra de madame Thatcher « There Is No Alternative » (TINA), ont eu pour horizon d’espérance rétrograde le modèle anglo-saxon et pour certains peut-être même, la situation de la classe ouvrière après le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de 1791 qui ont proscrit toutes les formes d’organisation ouvrière.


 

contratprecaireAinsi, dans cette veine, ont été promulguées la loi du 14 juin 2013 portant principalement sur la sécurisation pour les entreprises des Plans de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) et l’exclusion de la compétence du juge judiciaire au profit de l’administration et des juridictions administratives, les lois Rebsamen et Macron d’août 2015, puis la loi El Khomri-Macron d’août 2016 assouplissant le motif économique et mettant en place un plafonnement incitatif des indemnités prud’homales et son apogée (hélas ! possiblement provisoire) les 6 ordonnances Macron du 23 septembre 2017 (5) et 21 décembre 2017 (1), prises à la suite d’un monologue social conjoint du gouvernement et des syndicats-employeurs en guise de dialogue avec des organisations syndicales des salariés, dociles ou résignées.

casserles35hAinsi la digue protectrice que constituait encore le Code du travail jusqu’à ces réformes, a-t-elle été rompue en divers endroits stratégiques. Notamment avec : le cantonnement des indemnités prud’homales ;la motivation « élastique » des licenciements et le resserrement des délais de prescription ; la possibilité de ruptures conventionnelles par charrettes ; la « nationalisation » des difficultés économiques et du périmètre de reclassement alors que l’on est censé vivre à l’heure européenne et qui plus est dans une économie mondialisée ; le bouleversement de la hiérarchie des normes avec un nouveau droit conventionnel manifestement profitable aux entreprises, par exemple avec la règle de l’accord majoritaire et le référendum, la création d’un accord de compétitivité pouvant déroger aux clauses du contrat de travail sans même qu’un motif économique soit clairement établi ; la fusion des IRP (délégués du personnel, comité d’entreprise et comité d’hygiène et de sécurité) dans la nouvelle institution que constitue le Comité Social et Economique (CSE) dont il est manifestement espéré par ses promoteurs, qu’elle conduise du fait d’une moindre spécialisation et de la réduction par principe à trois mandats au plus de leurs fonctions, à un affaiblissement des compétences et de l’action de la représentation du personnel.


 

espoirSans  qu’il soit nécessaire d’entrer dans le détail des régressions, dont d’ailleurs on n’a pas fini de mesurer les conséquences faute de recul alors qu’on le sait, bien souvent c’est dans les détails que se dissimule le diable, on peut être assuré de ce que, globalement, la situation des salariés est critique. Et qu’il faut donc impérativement, non pas se laisser aller au découragement, mais au contraire mettre en place les moyens nécessaires à un exercice sans faille des prérogatives des représentants du personnel des CSE qui sont désormais en première ligne. Ce qui suppose en tout premier lieu une information et une formation de qualité. Chacun sait que du côté des entreprises les moyens d’information et de propagande sont considérables, notamment par le biais, d’une part, de formations et colloques (très orientés même lorsqu’ils sont baptisés par exemple d’ « assises du droit du travail ») organisés par des cabinets d’avocats, lobbys, think tanks, éditeurs de revues, services etc. ; d’autre part d’associations dédiées aux Responsables des ressources humaines qui ont pour objet de leur assurer la plus grande maîtrise possible des outils juridiques mis à leur disposition, en particulier en matière d’élaboration des normes conventionnelles.


 

C’est afin de permettre aux représentants des CSE, en lien avec les représentants syndicaux, qui sont désormais pratiquement les seuls à pouvoir peser pour tenter de maintenir un minimum d’équilibre entre les parties, de disposer de moyens équivalents, qu’a été créée L’Association Nationale des comités Sociaux et Économiques  (l’ANCSE). Son ambition est de créer une communauté de membres en organisant des réunions enrichissantes et conviviales pour échanger sur le droit et ses pratiques, mais aussi et surtout, de dispenser aux membres des CSE une information claire et charpentée, au moins égale à celle dont disposent les entreprises, afin qu’ils puissent exercer sur un pied d’égalité la plénitude de leurs prérogatives.

presidentmPierre VERDIER, avocat honoraire

Spécialiste en droit social

Président d’honneur de l’ANCSE.

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